Vagues de chaleur, inondations, perte de biodiversité, éco-anxiété... la question de l'interaction entre l'environnement et la santé est plus que jamais d'actualité. Le Plan d'Action National Environnement-Santé (NEHAP) a placé ce sujet au cœur de ses préoccupations, notamment via le Groupe de travail "Pics d'ozone et Fortes chaleurs". Ce dernier est composé de représentants des administrations qui composent le NEHAP ainsi que de l'Institut Royal de Météorologie (IRM), de la Cellule interrégionale de l'environnement (CELINE) et de Sciensano, qui étudient respectivement la météorologie, la pollution atmosphérique et les impacts santé. Cela correspond à la raison d'être du NEHAP : assurer la coordination entre l'environnement et la santé mais également entre les différents niveaux de pouvoir.
2003 : prise de conscience des dangers climatiques
Les vagues de chaleur et pics d’ozone de l’été 2003, qui ont coûté la vie à près de 45.000 personnes en Europe, ont généré une véritable prise de conscience : les pics d'ozone et fortes chaleurs génèrent une forte surmortalité. Par ailleurs, la mortalité constitue en quelque sorte le sommet de l'iceberg : les effets sur la santé sont potentiellement plus vastes et incertains. Le risque est présent pour tous les groupes d'âges avec toutefois des facteurs de vulnérabilité, notamment : comorbidités, isolement, statut socio-économique défavorisé, logement mal isolé, grand âge. Or, ces vagues de chaleur sont de plus en plus fréquentes et intenses en raison des changements climatiques et, parallèlement, nous assistons à un vieillissement de la population.
L'ozone : qu’est-ce donc ?
Premier point d'attention : l'ozone dont nous parlons ici n'est pas celui que nous connaissons concernant la couche d'ozone – dans la stratosphère (dont l'altitude est comprise entre 15 et 45km) – qui nous protège contre les rayons UV nocifs provenant du rayonnement solaire (c'est la raison pour laquelle il a été question de reboucher la couche d'ozone il y a quelques années). L'ozone dont nous nous préoccupons dans le cadre de ce groupe de travail est situé à basse altitude, dans la troposphère et l’air que nous respirons.
Second point d'attention : on ne parle pas d'émission d'ozone tel qu'on peut le faire des émissions de CO2 par exemple. L'ozone est un polluant « secondaire » : il se forme dans des conditions précises (et complexes) sur base de certains polluants que l'on appelle « précurseurs d'ozone » (oxydes d'azote, composés organiques volatils, etc.) sous l'action du rayonnement solaire UV, quand il fait chaud et ensoleillé, surtout de manière prolongée. Les épisodes d'ozone ont donc en grande majorité lieu entre juin et août (parfois un peu plus tôt et plus tard) en Belgique.
Or, l'ozone peut causer de nombreux problèmes de santé, notamment des difficultés respiratoires, qui se combinent alors aux effets néfastes intrinsèques des fortes chaleurs sur la santé. C'est la raison pour laquelle il fait l'objet de notre attention au même titre que les températures.
Plan "Pics d'Ozone et Fortes Chaleurs" en trois phases
Face à ces défis, le NEHAP a mis en place un plan d'action spécifique. Ce dernier comprend trois phases : vigilance, avertissement, alerte. Les critères de début et de fin de phase sont établis en fonction uniquement de leur impact sur la santé. Ces critères sont discutés régulièrement par le groupe de travail, sur base des données de l'été précédent, afin de les faire évoluer si nécessaire. Ils sont disponibles ici en détail.
La phase de vigilance est activée chaque année du 15 mai au 30 septembre. L'IRM et CELINE suivent alors de près les prévisions de température et de qualité de l'air.
La phase d'avertissement est, quant à elle, activée quand la chaleur est intense et persistante : lorsque les prévisions indiquent que les températures atteindront au moins 25°C pendant 5 jours consécutifs, et que l’excès de température au-dessus de 25°C pendant ces 5 jours sera supérieur à 17. Vous suivez toujours ? 😊
Durant cette phase, les Communautés jouent un rôle clé de prévention. Elles travaillent en collaboration avec différentes entités, telles que les municipalités, les hôpitaux, les services de soins à domicile, les maisons de repos, les médecins généralistes, les centres de garde d'enfants, les associations de jeunes, les organisations travaillant avec les groupes vulnérables. Chaque entité met en œuvre ses propres mesures de protection.
La phase d'alerte répond inéluctablement à des conditions plus strictes. Elle correspond à une situation de chaleur extrême et prolongée, accompagnée de concentrations élevées d'ozone. Cette phase est envisagée lorsque les critères de la phase d'avertissement sont atteints, en plus d'autres conditions, comme des concentrations d'ozone dépassant le seuil horaire d’alerte européen (fixé par la Directive européenne de 2008). Ces critères ne conduisent pas automatiquement à l'activation de cette phase. Le Risk Assessment Group (RAG) évalue la situation et notamment la nécessité éventuelle de mesures supplémentaires pour protéger la santé de la population. Le Risk Management Group (RMG) décide, sur base de cette évaluation, si l'activation de l'alerte est opportune.
Lors de cette phase, c'est le gouvernement fédéral qui prend en charge la coordination : le SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement assume cette tâche. En fonction de la situation, d'autres acteurs pourraient également être impliqués si nécessaire. A ce jour, cette phase n’a été activée qu’une seule fois (en 2020).
Etat des lieux des dernières années
Avec le changement climatique, les vagues de chaleur sont de plus en plus intenses et fréquentes. Cela se traduit notamment par le nombre d'activations des phases d'avertissement/d'alerte survenues ces dernières années. Ces données climatiques sont à mettre en regard des données sur la mortalité[1], qui s'est avérée particulièrement importante ces dernières années. Sciensano prévoit systématiquement, sur base d’une moyenne des cinq années précédentes[2], la mortalité attendue (il s’agit d’un intervalle : il devrait y avoir entre X et X décès). De cette prévision découlent les notions de surmortalité (quand la mortalité dépasse l’intervalle de prédiction) et de sous-mortalité (inversement). Vous trouverez plus de détails dans notre état des lieux de l’été 2023.
En ce qui concerne l'ozone, les pics – qui s'observent en même temps que les phases d'avertissement/alerte – tendent ces dernières années à être moins intenses en raison de la diminution de précurseurs, qui rendent moins probables des dépassements importants du seuil horaire européen d’information. Toutefois, les seuils fixés par l'OMS – plus stricts que ceux de l'UE – ne sont à ce jour absolument pas atteints. En raison de la complexe formation de l'ozone, des mesures à courts termes (p.ex. diminuer le trafic automobile lors des pics d'ozone) peuvent avoir un effet inverse à celui recherché et aggraver les pics (car le trafic routier génère du monoxyde d’azote dont l'une des propriétés est de réagir avec l’ozone pour former du dioxyde d’azote, diminuant ainsi la concentration d’ozone). C'est la raison pour laquelle les campagnes connaissent de plus importantes concentrations d'ozone que les villes, où le trafic est plus dense. Seules des mesures à long terme de réduction des précurseurs seront à même de diminuer l’ozone sensiblement.
Santé environnementale : défis politiques et recommandations individuelles
Ces différents éléments rappellent l'importance – pour protéger notre santé – d’agir sur plusieurs fronts.
D’une part de lutter contre les changements climatiques afin d’en limiter les effets futurs. Il s’agit d’un défi collectif nous impliquant toutes et tous. Le NEHAP en prend sa part, puisque une fiche d’action du NEHAP3 est spécifiquement dédiée à la durabilité des systèmes de soins de santé, qui requiert entre autres de les rendre neutre en carbone à l’horizon 2050.
D’autre part, il s’avère également nécessaire de s’adapter aux conséquences déjà bien présentes des changements climatiques en Belgique, notamment aux vagues de chaleur et pics d’ozone. Là encore, il s’agit d’un défi collectif qui nécessite l’implication de tous. A cet égard, les Communautés (Department Zorg pour la Flandre, AViQ pour la Wallonie et COCOM pour Bruxelles) ont notamment listé plusieurs recommandations à destination des citoyens :
- boire plus d'eau que d'habitude (et veiller à ce que les bébés, petits enfants et personnes âgées boivent suffisamment).
- éviter l'alcool, le café, le thé, les boissons sucrées
- limiter, dans la mesure du possible, les efforts physiques pendant les heures les plus chaudes
- fermer les tentures / volets pendant la journée et aérer votre domicile la nuit lorsqu'il fait plus frais
- se rafraîchir autant que possible (le visage, le corps)
- trouver les ilots de fraicheur en ville (bibliothèques, magasins, parcs ombragés etc.)
- veiller aux personnes âgées et/ou isolées que l'on connait ou via par exemple des réseaux de vigilance de quartier.
[1] A noter : il est bien évidemment difficile de déterminer avec exactitude les raisons précises des décès : les données sont à utiliser pour corrélation. Par exemple, des vagues covid ont coïncidé avec des vagues de chaleur. Cela dit, les décès covid n’expliquent pas entièrement la surmortalité.
[2] 2020 a été marquée par une forte mortalité liée au Covid-19 ; Sciensano a donc veillé à prendre en compte ces « valeurs aberrantes » pour mieux en atténuer l’effet déformant.